Requête et Mémoire d’Appel

 

 

Cour Administrative d’Appel de Paris

Requête et Mémoire

 

 

Pour : M. Genevier Pierre, demandeur.

                        53 rue de l’Amiral Mouchez

                        75013 Paris

 

 

Contre :              Le Département de l’Essonne, défendeur.

                        Boulevard de France,

                        91011 Evry.

 

 

Le jugement en date du 27/11/98 rectifié par l’ordonnance en rectification d’erreur ou d’omission matérielles notifiée le 30/12/98 aux termes duquel le Tribunal Administratif de Versailles a accepté la requête de l’exposant tendant à obtenir une indemnisation du préjudice causé par la décision du 2 mars 1993 (P.J.n° 5) notifiant son licenciement du Département de l’Essonne.

 

 

Suite à la publication du Rapport Public 1998 de la Cour des Comptes, l’exposant demande à la Cour Administrative d’Appel de Paris de condamner le Défendeur, le Département de l’Essonne, au paiement d’une indemnité supplémentaire (au titre de réparation du préjudice moral) pour les raisons de fait et de droit développées ci-après.

 

 

Faits

 

I  Le demandeur, Pierre Genevier, a été recruté par le Département de l’Essonne le 2 avril 1991, en qualité d’Ingénieur en chef de 1 ere catégorie de 1er classe, avec une affectation au service informatique, par voie contractuelle d’abord du 2 avril au 30 juin 1991 puis à compter du 1 juillet 1991 pour une durée supérieure à 1 an.

 

Par décision du 2 mars 1993 (P.J.n° 5), le Département de l’Essonne a mis fin au contrat d’engagement de Pierre Genevier à compter du 1er avril 1993.

 

En date du 17 janvier 1998, l’exposant à déposer un recours contre la décision de licenciement que le Conseil Général de l’Essonne lui a notifié le 2 mars 1993.  Le défendeur, le Département de l’Essonne, a demandé dans son mémoire en défense du 17 mars 1998 de rejeter la requête.

 

A la suite du jugement rendu par le Tribunal Correctionnel d’Evry sur l’affaire des fraudes commises par l’ancien Président du Conseil Général de l’Essonne, M. Dugoin, le demandeur a envoyé un nouveau mémoire, daté du 17 juin 1998 (P.J.n° 7), expliquant sa fonction au département et le lien entre son travail et les fautes condamnées.  Il interrogeait le Tribunal Administratif et le Département sur la responsabilité du Département (partie civile au procès) dans les fraudes, et expliquait que son licenciement constituait une faute grave de l’administration car il développait et mettait en place un système informatisé d’enregistrement et de contrôle des frais de déplacement permettant une meilleure comptabilisation analytique des dépenses de frais de déplacement, et permettant aussi d’informer régulièrement les directions, services et employés des frais enregistrés pour eux.

Le Département de l’Essonne a ignoré les questions et accusations formulées dans le mémoire, et a maintenu les conclusions de son premier mémoire lors de l’audience du 24 septembre 1998.

 

Dans un courrier daté du 25 septembre 1998, le demandeur a précisé qu’il pensait que la position du Département dans les deux procès (Tribunal Correctionnel d’Evry et Tribunal Administratif de Versailles) était incohérente puisqu’il demandait d’une part l’aide de la justice pour obtenir réparation d’une faute devant le Tribunal Correctionnel d’Evry, et d’autre part ignorer des accusations sur la même affaire au Tribunal Administratif de Versailles.

 

Le 30 novembre 1998, le Tribunal Administratif de Versailles a notifié le jugement qu’il avait rendu.  Il juge fondé la demande de Pierre Genevier invoquant l’illégalité de son licenciement précisé par courrier le 18 janvier 1993 et lui accorde des droits à réparation du préjudice qu’il a subi.  Il accorde une indemnité au titre de la perte de salaire en précisant le mode calcul tout en la limitant au montant de 393 426 F et renvoie le demandeur devant le département pour la liquidation de cette indemnité.  Il condamne aussi le Département de l’Essonne au paiement d’une somme de 10 000 F au titre du préjudice moral.

 

 

Discussion

 

II Sur les Motivations du Recours en Appel, l’Aggravation du Préjudice lié à la décision de licenciement du 2 mars 1993, et l’obligation pour le demandeur de faire appel.

 

La présente requête est motivée par la publication du Rapport Public 1998 de la Cour des Comptes fin janvier 1999, qui décrit les graves illégalités commises au Département de l’Essonne.  Les observations faites dans le rapport viennent confirmer les remarques sur la responsabilité du Département de l’Essonne dans les fraudes, mentionnées dans le mémoire du demandeur daté du 17 juin 1998 (P.J. n° 7), et ignorées par le défendeur, le Département de l’Essonne. 

 

Le rapport conclus en page 541 que ‘les sanctions ou corrections opérées ne sont toutefois pas à la mesure des dépenses engagées illégalement ou inconsidérément, et il importe de s’interroger sur les défaillances et les dysfonctionnements qui ont permis la répétition ou la poursuite, des années durant, des faits résumés ci-dessus’.  (P.J. n° 3)  On peut donc imaginer que de nouvelles poursuites seront éventuellement engagées.

 

Le licenciement illégal d’un agent qui met en place un système de contrôle des frais de déplacement, est sans aucun doute une défaillance et un dysfonctionnement qui permet aux fraudeurs de détourner l’argent des frais de déplacement plus facilement.  L’administration aurait donc du s’interroger sur les responsabilités des agents qui ont ordonné et exécuté le licenciement ou ne l’ont pas empêché alors qu’il était préjudiciable au bon fonctionnement de leur service. 

 

En ignorant les questions sur sa responsabilité et les accusations formulées dans le mémoire du 17 juin 1998 (P.J. n° 7), le Département a eu une attitude préjudiciable au demandeur qui les avait formulées, car il le plaçait ainsi, alors qu’il est victime des fraudes, au même plan que les agents coupables ayant facilité la fraude sciemment (pour en bénéficier) ou inconsciemment (par incompétence).  La publication du Rapport Public 1998 de la Cour des Comptes oblige donc le demandeur à faire appel, et à mettre, à nouveau, en avant son innocence par rapport aux fautes graves condamnées car son travail est tout spécialement mis en cause dans le rapport.

 

Le rapport aggrave aussi le préjudice moral lié à la décision du 2 mars 1993 qu’avait fait apparaître le demandeur dans ces premiers mémoires et l’oblige donc à demander un dédommagement supplémentaire au titre du préjudice moral.

 

D’autre part, le Rapport public de 1998 de la Cour des comptes est préjudiciable à tous les employés qui ont travaillé au Département de l’Essonne de 1991 à ce jour.  Pour certains, ce préjudice est mérité du fait leur participation effective ou passive aux fraudes condamnées, pour les autres qui n’ont absolument rien à voir avec les fraudes ou ceux (dont le demandeur fait partie) qui faisaient leur travail consciencieusement et s’efforçaient de mettre en place les systèmes de contrôle et d’aide à la décision dont parle le rapport, le préjudice n’est absolument pas mérité. 

 

Le symbole de l’existence de ce préjudice est visible sur la première page de la copie du jugement rendu par le Tribunal Correctionnel d’Evry (P.J. n°4).  Alors que le demandeur avait bien expliqué qu’il était victime des fraudes et avait besoin du jugement pour sa requête au Tribunal Administratif, l’administration de la justice (le tribunal de grande instance d’Evry) lui a fait payer la copie du jugement comme s’il était prévenu, coupable.  Les copies de jugement sont gratuites pour les victimes.

 

 

III Sur le Bien-fondé du Jugement rendu par le Tribunal Administratif de Versailles.

 

La preuve de la responsabilité de l’administration dans les fraudes que constitue le Rapport Public 1998 de la Cour des Comptes, n’était pas contenue dans les pièces fournies par les parties (et pour cause il a été publié en janvier de cette année), le jugement rendu par le tribunal administratif de Versailles est donc bien-fondé.

 

Parmi les différentes raisons évoquées par le demandeur pour prouver l’illégalité du licenciement, les juges ont retenu le fait qu’aucun nouveau profil de poste n’avait été présenté au sein du service et donc que la modification du profil de l’emploi du demandeur mise en avant sur la lettre de licenciement n’était pas établie.  Les rapports annuels du Président du Conseil Général de l’Essonne prouvaient d’ailleurs qu’aucun changement réel n’était survenu dans le service à la suite du départ du demandeur.

 

Le fait que la discussion sur la responsabilité de l’administration et la faute grave que constituait le licenciement, n’aient pas été contredit malgré la gravité de sa signification, laissait sous-entendre que cette responsabilité et cette faute grave étaient réelles.  En renvoyant le demandeur devant le département pour la liquidation de l’indemnité, le tribunal laissait ainsi la possibilité à l’administration d’étudier à nouveau sa responsabilité réelle dans les fraudes et de réparer d’elle même la faute grave qu’elle avait commise, pour ne pas l’humilier plus qu’elle ne l’est déjà par les fraudes graves.  (Elle ne méritait pas tant d’attention)

 

Les magistrats de la Cour Administrative d’Appel comprennent que le demandeur ne conteste pas le jugement, mais l’attitude du Département par rapport aux accusations et questions posées dans le mémoire du 17 juin 1998 ainsi que sa lenteur à exécuter le jugement alors que le rapport de la Cour des Comptes a prouvé sa responsabilité.  Le département aggrave le préjudice moral sans raison et injustement (et donc préjudice financier du fait de la situation du demandeur) lié à la décision attaquée.  Le demandeur avait suggéré à plusieurs reprises dans le mémoire que le défendeur innocente le demandeur et répare immédiatement le préjudice causé à la vue des preuves apportées.  Il ne faut pas chercher les coupables des fraudes parmi les victimes qui ont tout perdu (travail, argent, respectabilité, ...) avant que les fraudes punies ne commencent.

 

 

IV Sur l’Evaluation du Dédommagement Supplémentaire au Titre du Préjudice Moral.

 

Le Rapport Public 1998 de la Cour des Comptes (P.J. n° 3) précise que : ‘L’aisance financière du Département, qui dispose de marges de manoeuvres fiscales, n’atténue pas la gravité des faits relevés et des responsabilités encourues.  Bien au contraire, l’importance des ressources du Département aurait dû le conduire à se doter de moyens d’aide à la décision et de contrôle interne plus efficace’.  Ceci confirme les remarques du mémoire du 17 juin 1998 (P.J.n° 7).

 

A la lecture du mémoire, le défendeur aurait du s’interroger sur sa responsabilité réelle (comme le mentionne le Rapport de la Cour des Comptes) et chercher à s’informer auprès des personnes ayant la responsabilité du contrôle des frais de déplacement et du licenciement, et leur demander soit d’apporter des preuves pour contredire les faits ou de reconnaître leur erreur dans le domaine de la mise en place d’un système d’aide à la décision et de contrôle des frais de déplacement.  Il est évident que les responsables concernés n’ont pas su continuer le travail du demandeur de manière efficace et mettre en place un système fiable de contrôle des frais de déplacement, sinon la fraude n’aurait pas eu lieu.

 

Puisqu’elle ne pouvait pas contredire les accusations, l’administration aurait dû suggérer la réparation du préjudice causé par le licenciement avant que le jugement soit rendu.  Soit les accusations sont justifiées, et elles entraînent une réparation immédiate de la faute, soit on les contredit immédiatement pour ne laisser aucun doute aux juges. 

 

Le demandeur calcule le dédommagement supplémentaire au titre du préjudice moral comme dans la première requête par rapport au manque à gagner qu’entraîne cette suspicion d’avoir participé à une faute grave, cette suspicion représente une atteinte à l’honneur et à l’intégrité du demandeur qui lui coûte des mois de salaire en moins puisqu’il est au chômage.  Il l’évalue à 209 000 francs jusqu’à ce jour. 

 

Le Département de l’Essonne qui a reçu le jugement le 1er décembre 1998 ne l’a toujours pas exécuté, et maintient ainsi le demandeur au chômage dans une situation difficile. Maintenir quelqu’un au chômage dans des conditions de vie difficile (P.J. n° 10), alors que cette personne vient de passer 48 mois au chômage à la suite d’un licenciement jugé illégal et possède une décision de justice lui permettant d’en sortir, est cruel, surtout quand on sait que l’administration et certains de ses agents responsables (toujours en poste) ne faisaient pas tant de difficultés à payer plusieurs employés illégalement à ne rien faire.  Messieurs et/ou Mesdames les juges peuvent-ils demander au Département de l’Essonne d’exécuter le jugement avant de répondre au mémoire en appel (au plus vite en raison de la situation du demandeur).

 

 

 

 

 

V Sur la Légitimité du Nouveau Dédommagement et la responsabilité de l’administration.

 

Le Département a engagé Madame Dugoin au moment du licenciement du demandeur.  Il est apparu dans le Rapport Public 1998 de la Cour des Comptes (P.J. n° 3) et dans le jugement qu’elle a touché 703 396 frs, sans que des preuves de contrepartie de travail aient été fournies, elle aurait aussi parallèlement touché en provenance de l’Assemblée Nationale un salaire de 312 305 frs pour l’année 1995 (P.J.n° 4).  Le dédommagement total demandé (1er jugement + dédommagement supplémentaire) est inférieur au montant en perte de salaire du demandeur sur la période et aussi inférieur à ce que le Département a payé à Madame Dugoin à ne rien faire. 

 

Dans un pays où il y a près de 3 millions de chômeurs et où la 1ère priorité du gouvernement est l’emploi, les jugements des affaires de licenciement et d’emploi fictif sont importants.  Tout le monde ne peut pas avoir un travail, en fait il y a au moins 3 millions de personnes de plus qu’il n’y a d’emplois offerts.  Sur quels critères doit-on prendre ou donner un travail à quelqu’un?  Certainement pas pour que certains puissent s’enrichir en détournant les fonds publics.

 

Prendre son travail à quelqu’un qui le fait consciencieusement pour faciliter le détournement de fonds publics est très grave.

 

S’interroger sur la responsabilité de l’administration dans le processus qui a conduit à la fraude sur les frais de déplacement condamnée par la Cour des Comptes, est donc nécessaire.  Les   209 000 frs de dédommagement qui ont pour signification la réparation du préjudice moral supplémentaire causé par le rapport de la Cour des comptes, devrait aussi encourager l’administration à réfléchir plus sur les défaillances et dysfonctionnement qui ont permis les fraudes en général.  Il faut s’interroger par respect pour les victimes et les millions de fonctionnaires qui font leur travail honnêtement et consciencieusement, et par respect pour les collectivités locales et autres administrations qui n’ont pas la ‘chance’ d’apparaître au Rapport Public 1998 de la Cour des Comptes.

 

 

VI En Conclusion

 

Pour les motifs cités ci-dessus et tous autres qui pourraient être invoqués ultérieurement, même d’office, l’exposant conclut qu’il plaise à la Cour Administratif d’Appel:

 

            - de condamner le défendeur, le Département de l’Essonne, au paiement d’une indemnité supplémentaire de 209 000 frs au titre du préjudice moral lié à la décision du 2 mars 1993 intérêt de droit à compter de ce jour.

 

 

Fait à Paris, le

 

 

 

 

                                                                                                Pierre Genevier


 

Listes des Pièces Jointes

 

 

P.J. n° 1: Notification de jugement rendu par le Tribunal Administratifs de Versailles daté du 30 novemebre 1998.

 

P.J. n° 2: Rectification de jugement daté du 30 décembre 1998.

 

P.J. n° 3: Extrait du Rapport Public 1998 de la Cour des Comptes.

 

P.J. n° 4: Extraits du jugement rendu par le Tribunal Correctionnel d’Evry le 12 mai 1998 concernant les affaires des frais de déplacement et de l’emploi fictif de la femme du Président du Conseil Général.

 

P.J. n° 5: Décision du 2 mars 1993.

 

P.J. n° 6: Lettre de licenciement du 18 janvier 1993.

 

P.J. n° 7: Extrait du Mémoire envoyé au Tribunal Administratif le 17 juin 1998.

 

P.J. n° 8: Fiche de notation 1991 du demandeur.

 

P.J. n° 9: Accusé de réception de la demande d’aide juridictionnelle.

 

P.J. n° 10: Liste des revenus des 6 dernières années et lettre de demande d’exécution du jugement envoyé à l’administration.

 

 

 

Fait à Paris,  le

 

 

 

 

                                                                                    Pierre Genevier